mardi 22 février 2011

CONSTRUCTIONS

Un parc en naissance, patûre à chevaux lors d'un passé récent, et qui fut autrefois un parc comme aurait aimé à s'y promener Madeleine de Scudéry; un château partiellement en ruine, que l'on qualifiait autrefois de 'temple du goût'; ce qu'il reste d'un homme, sous certains aspects en naissance lui aussi, en patûre à certains endroits, en ruine bien évidemment. D'Arcy entreprend depuis quelques dizaines de mois la mise en correspondance de la chair, de la pierre et du règne végétal, dans le secret désir que les trois se confondent et disparaissent dans le regard; que l'on prenne un saule pour le château, comme un promeneur pourrait le prendre pour un nénuphar, lui même ne pouvant être pris pour autre chose que le château. La réalité n'étant qu'un point de vue, qu'une vue de l'esprit, D'Arcy emploie ses songes et ses heures  restantes à concrétiser de ses  propres mains sa vision de sa réalité. D'Arcy se moque d'une façon alarmante de ce que les autres peuvent voir. Ne l'intéresse aujourd'hui que ce que lui peut voir, que quelques rares âmes peuvent apercevoir. Au hasard.

D'Arcy s'attache à créer deux univers superposés et en miroir, par un jeu de constructions dont lui seul détient les clefs. Les formes, les matières et les couleurs qui l'environnent participent à la construction interne de D'Arcy, donc à l'agencement externe de son environnement proche. L'univers extérieur n'existe que parce que D'Arcy existe, et ces deux univers sont autonomes et surjectifs l'un vers l'autre. Cette notion de réciprocité dispersée est cruciale pour la multiplication des constructions au sein des deux univers. Les constructions externes sont dès lors évolutives, mais rarement déviantes, puisqu'elles émanent de la construction interne de D'Arcy et reviennent l'alimenter. Les constructions externes communiquent entre-elles par souci d'esthétique et d'homogénéité, et peuvent se diviser en deux domaines d'intervention distincts: la structuration des espaces, et la décoration symbolique. Le parc du château, le mur de la montée d'escalier, bien que deux lieux géographiques différents, se prêtent aux deux domaines d'intervention, sans distinction. Une image qui pourrait illustrer cette explication est celle d'un puit entouré de flaques après une grosse averse.
D'Arcy sourit.

La relation entre les constructions internes de D'Arcy et les constructions externes à lui doit être assez dense pour générer une sensation, mais se doit d'échapper aux inquisiteurs de passage et autres touristes de sa vie.

Chaque construction externe doit avoir une légitimité à exister dans les deux univers, interne et externe, et doit, pour imager, s'énoncer comme corps en suggérant un esprit. Cette légitimité est la clef de voute du rébus du site, elle garantit l'équilibre de chacun des univers de constructions pris à part, mais de surcroit solidifie et garantit la relation des thèmatiques de construction intermundia. Cette légitimité assure les lignes de la matrice et la densité du maillage dans la superposition des univers recherchée, rendant possible, entre les mailles, une émergence poétique bien loin dêtre fortuite. D'Arcy se veut créateur de brumes.

L'univers global des constructions externes englobe la totalité de la propriété. 

La philosophie qui soutient le maillage des constructions internes et externes se résume dans une seule phrase de Fernando Pessoa parlant de lui-même: -il assurait avoir ainsi créé un intérieur 'qui garantisse la dignité de son ennui'-. Cette phrase fait acte dans les deux univers de construction, elle en est le liant philosophique.

D'Arcy ne donnera pas d'exemple, cela permettra d'éloigner les premiers touristes.

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