dimanche 27 février 2011

LITTERAE -[I]

Cher vous,

"Le Bois" D'Arcy, le créateur de Brumes, mais bien sûr, c'est ce que j'avais perçue !!! Ce magnifique rêve de métamorphose immédiate d'un lieu au gré de son humeur. Pour se faire, il fallait bien un écran de brume, celui de l'Enchanteur pour mener la barque sur le fameux rubicon.

Un écran qui permet de promener ses invités le temps d'un voyage outre la rigueur de l'espace-temps. C'est ce que me procure vos "mots" ou "maux" je ne sais plus les différencier.

Un jour, on ouvre la porte de la demeure et on trouve là, la folie baroque qui s'enchevêtre dans de lourdes tentures et des chandeliers incendiant le moindre recoin de pénombre d'une lueur rougeoyante et faste; un jour la douceur des bleus clairs au plafond qui repoussent les insectes, les mauvais rêves et le désespoir; un jour orangé à la flamme; un jour en gris ou l'intérieur devrait avoir des airs de cachot avec de lourdes portes de métal et d'acier ascète, un jour vert où tout doit être parfait, frôlant l'alchimie, de la fraîche luminosité, mêlé de citron et de romarin, tout, jusqu'à la musique de la nature...c'est le concept de votre son et lumière très Cher !!!

L'idée de se donner le tournis me fascine. Cela me rappelle les rondes incessantes quand enfant, je tournoyais avec un majestueux tilleul autour duquel mon grand-père avait posé les quatre points cardinaux (une disposition de quatre pierres plates, mon Stonehenge à moi !) Ah ! Le parfum du tilleul, le soleil sur la peau ... Il y a une sensation de richesse et de dénuement total, une sensation de liberté et d'appartenance à la nature, peut-être ce que certains croyants appellent "la communion". Ces moments se font trop rares dit "L". A part chez les druides, les indiens ou les Dieux ! Cela dit, je n'aurais pas l'outrecuidance de me prendre pour l'un d'eux.


Bien à vous,

Louise du Viviay

CADAVRES D'AUTOMNE


La nature trompe l’ennemi; les grands arbres agitent leurs branches élastiques pour mieux étaler sous mon regard l’absence de feuillage; mais derrière ces éclaireurs semblant agiter le drapeau blanc de la trêve hivernale, certains corps d’armée se trahissent: les perce-neiges dissimulent bien mal leur présence, tandis que quelques primevères jaunâtres sont déjà en position; et que dire de cet intrus, cet œillet orange dont la présence restera un mystère. 
Soit ! vous voulez la guerre, et bien vous l’aurez ! Les mauvaises herbes pensaient encore pouvoir se faire ignorer quelque temps, mais prêtes à l’assaut au bord de leurs tranchées, j’ai ouvert le premier les hostilités, d’une main précise et impartiale, retournant contre les premières lignes de l’envahisseur l’embuscade qu’il se préparait à me tendre. La vigilance se devra désormais d’être de tous les instants : l’ennemi est à découvert.

Dans les mois qui viendront, le combat acharné se déroulera au gré de mes temps morts.
En ce dimanche, j’ai entassé les derniers cadavres d’automne; je prépare le terrain; je suis l’architecte du champ de bataille d’un conflit perdu d’avance.

mardi 22 février 2011

CONSTRUCTIONS

Un parc en naissance, patûre à chevaux lors d'un passé récent, et qui fut autrefois un parc comme aurait aimé à s'y promener Madeleine de Scudéry; un château partiellement en ruine, que l'on qualifiait autrefois de 'temple du goût'; ce qu'il reste d'un homme, sous certains aspects en naissance lui aussi, en patûre à certains endroits, en ruine bien évidemment. D'Arcy entreprend depuis quelques dizaines de mois la mise en correspondance de la chair, de la pierre et du règne végétal, dans le secret désir que les trois se confondent et disparaissent dans le regard; que l'on prenne un saule pour le château, comme un promeneur pourrait le prendre pour un nénuphar, lui même ne pouvant être pris pour autre chose que le château. La réalité n'étant qu'un point de vue, qu'une vue de l'esprit, D'Arcy emploie ses songes et ses heures  restantes à concrétiser de ses  propres mains sa vision de sa réalité. D'Arcy se moque d'une façon alarmante de ce que les autres peuvent voir. Ne l'intéresse aujourd'hui que ce que lui peut voir, que quelques rares âmes peuvent apercevoir. Au hasard.

D'Arcy s'attache à créer deux univers superposés et en miroir, par un jeu de constructions dont lui seul détient les clefs. Les formes, les matières et les couleurs qui l'environnent participent à la construction interne de D'Arcy, donc à l'agencement externe de son environnement proche. L'univers extérieur n'existe que parce que D'Arcy existe, et ces deux univers sont autonomes et surjectifs l'un vers l'autre. Cette notion de réciprocité dispersée est cruciale pour la multiplication des constructions au sein des deux univers. Les constructions externes sont dès lors évolutives, mais rarement déviantes, puisqu'elles émanent de la construction interne de D'Arcy et reviennent l'alimenter. Les constructions externes communiquent entre-elles par souci d'esthétique et d'homogénéité, et peuvent se diviser en deux domaines d'intervention distincts: la structuration des espaces, et la décoration symbolique. Le parc du château, le mur de la montée d'escalier, bien que deux lieux géographiques différents, se prêtent aux deux domaines d'intervention, sans distinction. Une image qui pourrait illustrer cette explication est celle d'un puit entouré de flaques après une grosse averse.
D'Arcy sourit.

La relation entre les constructions internes de D'Arcy et les constructions externes à lui doit être assez dense pour générer une sensation, mais se doit d'échapper aux inquisiteurs de passage et autres touristes de sa vie.

Chaque construction externe doit avoir une légitimité à exister dans les deux univers, interne et externe, et doit, pour imager, s'énoncer comme corps en suggérant un esprit. Cette légitimité est la clef de voute du rébus du site, elle garantit l'équilibre de chacun des univers de constructions pris à part, mais de surcroit solidifie et garantit la relation des thèmatiques de construction intermundia. Cette légitimité assure les lignes de la matrice et la densité du maillage dans la superposition des univers recherchée, rendant possible, entre les mailles, une émergence poétique bien loin dêtre fortuite. D'Arcy se veut créateur de brumes.

L'univers global des constructions externes englobe la totalité de la propriété. 

La philosophie qui soutient le maillage des constructions internes et externes se résume dans une seule phrase de Fernando Pessoa parlant de lui-même: -il assurait avoir ainsi créé un intérieur 'qui garantisse la dignité de son ennui'-. Cette phrase fait acte dans les deux univers de construction, elle en est le liant philosophique.

D'Arcy ne donnera pas d'exemple, cela permettra d'éloigner les premiers touristes.

lundi 21 février 2011

LA BARQUE DU PONTON 40

Avec ces quelques années de plus qui ne sont pas encore suffisantes pour se sentir approcher de la cinquantaine, mais qui marquent déjà l’éloignement du ponton numéro quarante ; tout comme à l’instant où la main rapatrie le morceau de corde qui interdisait à la barque de s’éloigner de l’embarcadère, et qu’après un examen, pourtant bref et inconscient, de cette corde que l’on trouverait plutôt courte -constat sans conséquence et qui n’appelle aucune analyse particulière- on relève les yeux, la lente dérive de la barque semble alors, désormais libérée, et sans vraie perspective à laquelle se raccrocher, inquiétante de rapidité.
D’Arcy n’a pas peur de la mort ; peut-être attend t’il de cette assurance un effet placebo. Ce qu’il redoute par-dessus tout, c’est d’avoir atteint le ponton quarante sans douter de l’atteindre, et de le voir s’éloigner déjà sur des eaux incertaines où nombreux et inattendus sont les naufrages, qu’il s’agisse d’une défaillance du corps, cardiaque ou rupture d’anévrisme, d’une attaque contre son corps, cancer ou autre cadeau empoisonné, ou banal et pire, d’une rencontre mal inspirée avec une barque en contre-sens. D'Arcy ne s'inquiète pas de devoir partir, il veut néanmoins s'être comblé l'esprit de manière qualitativement suffisante avant de le faire. Et il lui apparaît comme une évidence qu'il ne peut-être que le seul à se forcer à le faire au moment où l'évidence du départ sera mise en évidence.
D’Arcy entend couler au bon moment, et celui-ci saura s’indiquer à coup sûr, car D’Arcy a toujours un œil sur les signes potentiels -aujourd’hui inexistants- et annonciateurs de son apparition. D’Arcy a encore faim de sa vie, mais n’ambitionne pas de s’en laisser dicter la fin par l’horloge biologique du vieillissement. D’Arcy respirera tant qu’il saura remplir les trois conditions suivantes : la première, que ce que lui apporte son esprit supplante la dégénérescence de son corps ; la seconde, qu’il sache trouver des aliments comestibles pour son esprit, le tout en remplissant la condition troisième de trouver encore enrichissant de s'enrichir l'esprit.
Pourtant, D'Arcy est également prêt à couler de manière impromptue, si tel en décidait une variation cancéreuse de l'un de ses organes; prêt à partir à une seule condition, la condition zéro, condition dont le contenu se dévoilera une autre fois.
La tâche quotidienne que s’est fixée D’Arcy est donc finalement assez simple en soi: flotter sur l’eau, sans ramer, en s’imaginant voguer sur une toute autre étendue d’eau, les yeux mi-clos. Il aimerait bien les fermer, mais d’autres barques environnantes se doivent encore d’être surveillées et guidées pour certaines, ménagées pour d’autres, épargnées pour d’autres encore…

dimanche 20 février 2011

samedi 19 février 2011

REPRISE

Je reprends l’écriture ce jour. Nous sommes le 19 février ; vous et moi sommes le 19 février 2011. Je suis le 19 février 2011. La langue française possède ses tournures de charme, ses incompréhensibilités d’usage.
La date n’apporte rien à l’affaire. Le 19 n’est que le jour de ma naissance, en un autre mois, comme il est celui de la fille de ma seconde ex-femme, en un autre mois.
J’avance, non sans raisons, et celles que je m’avance sont multiples ; pourtant, combien d’entre elles sont vraies ? Sont-elles les causes de l’envie, ou viennent-elles la justifier à posteriori ? S’agit-il (réellement) de remettre en route une dynamique de l’esprit avant de reprendre l’écriture d’un roman (réellement) abandonné en bord de mer ? S’agit-il (éventuellement) de reprendre contact avec moi-même pour collecter et étudier les coquillages (éventuels) qui sont venus se fixer aux bottes de celui que j’ai laissé debout sur le sable ? S’agit-il de me laisser une trace ? S’agit-il (une nouvelle fois) de me faire du bien sous l’emprise de l’écrit, mais plus loin (désormais) de préserver mon esprit du naufrage inévitable dans l’oral, ces vaguelettes inconsistantes sur la houle feinte et terne du quotidien translucide ? S’agit-il de témoigner de (mes) constructions internes, pour (me) séduire (moi-même) ? S’agit-il d’être le créateur se créant lui-même, sans ménager de place à l’improvisation, noblesse improvisée oblige ? 

Jusqu’à quel point existes-tu déjà, d’Arcy ?